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QUE VALENT VRAIMENT LES MEDAILLES DES CONCOURS DE VINS ?
Tous les vignerons le savent, une médaille d’or collée sur une bouteille de vin dope les ventes dans les rayons ! Mais ce vin médaillé est-il réellement meilleur que les autres ? Enquête exclusive sur l’organisation et les méthodes de huit concours internationalement reconnus.
Les concours de vin ont un succès fou. Des milliers de vins obtiennent chaque année des médailles. Depuis quinze ans, le nombre de concours augmente, ainsi que le nombre d’échantillons présentés. Et la France caracole en tête des pays organisateurs, avec la bagatelle de 104 manifestations autorisées par an…
Si l’on évoque la valeur de ces distinctions, les amateurs avertis ont un rire moqueur. À tort ! Ces médailles ont un impact considérable sur… les ventes. Parmi les centaines de bouteilles alignées en hypers, une médaille attire toujours l’œil du néophyte. Elle lui offre une bouée de sauvetage au moment de choisir. « Si le vin est médaillé, il est bon ! », pense le béotien. Qu’importe la breloque, l’important est qu’il y en ait une !
L'ABSENCE DES GRANDS
Il ne faut donc pas s’attendre à trouver systématiquement les meilleurs vins parmi les médaillés. Sauf exception, les grandes étiquettes et les vins issus d’appellations prestigieuses sont absents des concours. Logique : ils ont à perdre et rien à gagner. Pourtant, des domaines sérieux présentent régulièrement leur production et sont souvent récompensés. « Les médailles, surtout obtenues chaque année, rassurent la clientèle », avance un “bon” vigneron. De fait, une médaille garantit au producteur un marché et lui permet de négocier ses prix à la hausse. Elle est donc recherchée. Mais est-elle vraiment, pour l’amateur, une garantie que le vin est bon ?
DES RÉSULTATS LISSÉS
Premier constat, une médaille ne constitue pas un signe officiel de qualité, contrairement à ce que laisse croire la “com” de certains concours. Les recettes des organisateurs sont en effet alimentées par les vignerons médaillés qui payent deux fois, parfois cher. Une première fois pour présenter leurs vins (de 42 € par échantillon pour Mâcon à 180 € pour Chardonnay du Monde). Ensuite, si le vin est primé, les vignerons peuvent afficher un diplôme dans leur caveau et y faire référence dans leurs publicités. Ils repaient alors pour acheter les fameux macarons autocollants à apposer sur leurs bouteilles. Tarif : de 14,50 € les 1 000 médailles pour le Concours général agricole de Paris à 80 € les 1 000 pour Riesling du Monde et 110 € les 1 000 pour Chardonnay du Monde. Plus il y a de vins médaillés, mieux l’organisateur gagne sa vie…
Il y a ensuite la méthode. Dans la majorité des concours présentés ici, les vins sont dégustés une seule fois, en général en une matinée, par un jury composé de trois à sept personnes. Les médailles sont attribuées aux vins qui se goûtent le mieux ce jour-là, en fonction des conditions de dégustation et surtout des autres vins en concurrence. Cela n’a pas de valeur universelle. La plupart des organisateurs resserrent d’ailleurs l’amplitude des notes des jurés et certains lissent les résultats. Au final, les concours distinguent des vins plutôt dans la moyenne, adaptés au marché, à boire rapidement.
TROUVER DES JURÉS
L’un des talons d’Achille des concours concerne les jurés : sont-ils tous de fins dégustateurs ? Leurs notes seraient-elles les mêmes s’ils regoûtaient les vins ailleurs ? Plus le nombre de jurés est important, plus il est difficile de ne fédérer que des dégustateurs de qualité. C’est là le défi des concours qui jugent un grand nombre de vins : il faut dénicher jusqu’à 2 400 jurés pour le Concours général agricole de Paris. Aussi les bonnes âmes sont-elles accueillies avec gratitude pour peu qu’elles justifient de manière déclarative d’une expérience en dégustation. Et qu’elles acceptent d’officier bénévolement !
Autre point faible : si le nombre de médailles décernées est limité par la loi française à un tiers des échantillons présentés, il est rare que ce ratio descende sous les 25 %. Ainsi, quelle que soit la qualité des vins présentés, il y aura toujours entre 25 et 33 % de vins médaillés. Champion en la matière et non soumis à la loi française, l’International Wine Challenge de Londres distingue 67 % des vins présentés, dont 40 % repartent avec une médaille. Parmi les concours les plus généreux, on trouve aussi Chardonnay du Monde, Syrah du Monde, Effervescents du Monde : organisés par l’association Forum Oenologie, leur taux de récompense moyen atteint 33,1 %. Ils sont talonnés par les Vinalies internationales (32,5 %) et Riesling du Monde (30 %). Le plus strict est, c’est une surprise, le Concours général agricole de Paris avec 23,5 % seulement de médailles – mais ce pourcentage pourrait être revu à la hausse avec la privatisation en cours de ce concours.
LE BRONZE DÉCOTÉ
Enfin, les organisateurs se livrent parfois à des tours de passe-passe dont les consommateurs ignorent totalement les subtilités. Ainsi, la médaille de bronze n’existe pas dans certains concours. Par un habile glissement des catégories, elle est remplacée par la médaille d’argent, elle-même remplacée par la médaille d’or, elle-même remplacée par… une grande médaille d’or (Concours mondial de Bruxelles) ou un trophée d’excellence (Riesling du Monde). Dans ces concours, personne ne regrette l’absence du bronze : l’or et l’argent séduisent plus le client en magasin…
Compte tenu du nombre croissant de concours et de l’importance accordée aux médailles en France et à l’étranger, la Répression des fraudes a mené l’enquête en 2007 sur “la véracité des médailles apposées sur les bouteilles”. Elle a pointé la traçabilité défaillante des cuvées médaillées après avoir eu de la peine à remonter, à partir de la bouteille primée, jusqu’aux lots concernés. Cette année-là, sur 464 contrôles dans les chais, un seul procès-verbal a été dressé pour fraude avérée. C’est plutôt rassurant, mais des rappels pour “anomalies” ont été adressés à 9 % des entreprises. Et 20 % des vins analysés (un vin sur cinq !) n’étaient pas conformes à ceux présentés aux concours. Conclusion : faites davantage confiance à votre goût qu’aux médailles des concours !
Article paru dans La RVF n°535