QUOI DE NEUF SUR LE VIN ?


LES NGT dans le VIGNOBLE.....

Les NGT ou Nouvelles techniques génomiques sont actuellement en débat au niveau européen. Olivier Zekri, directeur adjoint et responsable de la recherche et du développement des pépinières Mercier, leader français des plants de vigne, partage sa vision des enjeux pour le vignoble français.

Avec leur laboratoire Novatech, les pépinières Mercier s’intéressent-elles aux nouvelles techniques génomiques (NGT) ?
Olivier Zekri : Oui, on travaille dessus depuis 10 ans ! Mais on n’a pas encore de plantes validées et on ne les vend pas. On a un programme de recherches visant à rendre la vigne résistante aux maladies. On part sur des hypothèses de travail, on cible par exemple le gène qui permet de réguler la taille des stomates pour réduire l’évapotranspiration, et donc le stress hydrique. C’est en tout cas l’hypothèse… Mais d’autres problèmes peuvent bien sûr surgir. On a zéro essai dans les vignes, puisque ça reste interdit en Europe. Si la réglementation proposée passe, on pourra lancer des tests en plein air en France. Pour l’instant on a plein de preuves de concept en laboratoire. Mais c’est après que ça se complique : rien n’est encore validé en dehors des conditions contrôlées, donc on ignore si la plante est vraiment résistante au stress hydrique.

         Où en est la réglementation autour de ces techniques ?
En 2018, la Cour de Justice Européenne avait fixé un genre de moratoire, concluant que les NGT ne pouvaient pas être sorties des régulations concernant tous les OGM. Autrement dit, une quasi-interdiction. Depuis, il y a eu tout un travail assez fastidieux d’études d’impact, de rapports, des experts de tous les pays… En France, j’ai participé en tant qu’élu au rapport du CTPS (le catalogue officiel des variétés, ndlr), par exemple. Les citoyens ont aussi été interrogés, mais la plateforme en ligne était assez indigeste… Tous les lobbies se sont exprimés, bien sûr, les contre et les pour. Et tout ça a accouché en juillet 23 d’une proposition de réglementation du Parlement européen concernant les végétaux obtenus via ces NGT. Donc maintenant, ce texte va être rediscuté. Ça va prendre entre 6 mois et trois ans, apparemment.

         Ces techniques pourraient donc être autorisées ? Y compris pour les vignes ?
La proposition, c’est de créer deux catégories de NGT. Les NGT 2 resteraient interdites. Mais les NGT1 sortiraient de la réglementation OGM*  Cette catégorie englobe les mutations du génome auxquelles on aurait pu aboutir ‘naturellement’, via l’hybridation par exemple. Les nouveaux gènes doivent être issus du matériel génétique d’une espèce "franchissable"*. A noter aussi : tout ce qui concerne une résistance à un pesticide est interdit. Et oui, ça peut concerner la vigne, même si ça va d’abord intéresser les semenciers, les cultures annuelles et les autres cultures. Ça sera de toute façon plus long pour la vigne, puisque c’est une plante pérenne qui met du temps à croître.

         Y’a-t-il une vraie demande dans le vignoble ?
Il n’y a pas beaucoup d’acteurs sur le sujet. Les plus avancés sont des Italiens, ils sont à fond. Je ne sais pas trop pourquoi… Ils disent qu’ils sont poussés par leurs bases, les vignerons. Les Italiens sont comme nous, attachés à l’historicité de leur cépage. Mais ces travaux sont en cours dans de nombreux pays et il est essentiel que nous ne nous fassions pas dépasser. La viticulture française se doit se donner les moyens de pouvoir choisir.

         L’idée est de préserver vitis vinifera, en créant des clones évolués ?
Pour obtenir une modification du génome, l’autre solution, c’est l’hybridation naturelle. En termes de temps et de coûts, les deux techniques sont équivalentes, je dirais, il faut 8 à 10 ans pour sortir une nouvelle variété. Mais les hybrides ne sont pas des vitis vinifera. Et l'hybridation traditionnelle ne permet pas de chercher la résistance aux virus ou à certains stress liés au changement climatique. Les NGT permettent peut-être de viser plusieurs traits. En tout cas, en théorie, parce qu’en pratique, on ne l’a pas encore fait. Mais après, est-ce qu’on pourra encore appeler pinot et vitis vinifera une variété qui a été modifiée trois ou quatre fois ? Ce n’est pas moi qui vais le dire, mais le CTPS, qui décidera si c’est un nouveau clone de pinot, ou autre chose.

         Quel est votre avis personnel et professionnel sur ces techniques ?
Moi, j’ai un a priori positif. Je suis un partisan de l’innovation, je pense que ça serait trop bête de ne pas tester ces solutions. Et avec nos clones, on a un peu figé cette histoire de génétique, et d’évolution naturelle, c’est un problème. Mais je ne sais pas si les NGT, ça va marcher. Les clients veulent le pied magique, mais c’est tellement multifactoriel, local ! Et le but du vigneron, c’est de faire du vin, pas juste du raisin ! Ce sont des outils, on les maîtrise de mieux en mieux, c’est vrai, donc certains s’imaginent que ça va tout résoudre. Moi, j’y crois, sans penser que ça va tout solutionner. Ça va être un débat philosophico-éthico-technique super costaud. Sans parler des querelles liées au business. Déjà, le lobby bio européen a prévenu qu’ils n’autoriseraient pas ces techniques dans leurs cahiers de charges. Ce qui est paradoxal, puisque ces techniques visent à limiter le besoin en pesticides. Bref : les NGT, on y travaille, mais on reste d’abord investis sur nos techniques d'hybridations traditionnelles. Ça va être très long.

En tant que professionnels, nous laissons les débats aux législateurs à qui nous faisons confiance. En tant que leader de la filière, nous nous faisons en sorte d’être prêt à répondre aux attentes de nos clients.

* : Elles ne seraient plus soumises aux règles de coexistence, imposant une analyse de risques et un étiquetage à destination du consommateur (obligatoire en NGT1), mais avec une simple procédure de notification de la part des sélectionneurs.
 ** : Les opposants aux NGT argumentent que ce transfert de gènes nécessite des supports qui sont pour leur part exogènes à la plante.

 

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