GUIDE OENOGRAPHILIQUE

L'ART ET LE VIN : ETIQUETTES MOUTON ROTHSCHILD



XX ième SIECLE 1978 à 1988

JEAN-PAUL RIOPELLE 1978
Peintre canadien né à Montréal, Jean-Paul Riopelle (1923-2002) se lie très tôt avec le peintre Paul-Emile Borduas, avec lequel il fonde le groupe « Automatisme » qui conteste avec éclat l’académisme qui caractérisait alors la peinture canadienne. Témoin de ce combat, le manifeste « Refus global » (1948).Partageant sa vie entre Paris, New York et son pays natal, Riopelle inscrit son œuvre dans le courant de l’abstraction lyrique : puisant son inspiration dans l’énergie vitale de la nature, sa peinture épaisse et colorée exprime une violence initiale, soulignée par l’usage de spatules ou de couteaux, violence contenue néanmoins par la rigueur de ses formes géométriques.

HISAO DOMOTO 1979
Né à Kyoto dans une famille d’artistes, Hisao Domoto (1928-2013), après avoir étudié la peinture traditionnelle de son pays, se rend dès 1952 en Europe. Ce voyage l’initie à l’art occidental et le conduit à rompre avec sa formation initiale. Résolument abstraite, sa peinture s’inspire d’abord de l’esthétique « informelle » ; suivent ses « Solutions de continuité », superpositions de bandes de couleur contrastée. Plus tard, ses « Possibilités de réactions en chaîne » conjuguent le motif de la chaîne avec celui du cercle, associés dans un mouvement fluide et rythmé, soutenus par des couleurs vives et rayonnantes.Son dessin pour l’étiquette Mouton Rothschild 1979 est une brillante illustration de cette troisième période. Cette étiquette est la première à avoir été illustrée par un artiste japonais.

HANS HARTUNG 1980
Pionnier de l’abstraction lyrique, Hans Hartung (1904-1989) accomplit d’abord des études de philosophie et d’histoire de l’Art, en Allemagne. Décidant de fuir le nazisme, il s’installe à Paris. Engagé dans la légion étrangère en 1939, il est blessé et amputé d’une jambe. Après la guerre, il obtient la nationalité française.« Ce que j’aime, c’est agir sur la toile » : refusant l’abstraction géométrique, Hartung lui oppose une peinture fondée sur la spontanéité de l’acte pictural. D’où, sur des fonds souvent monochromes, ces longues traces noires griffant la toile, associant la récolte et la liberté à la rigueur d’un langage calligraphique.Sa peinture pour l’étiquette Mouton Rothschild 1980 parvient à concentrer dans un petit format la profondeur et la puissance explosive qui caractérisent l’ensemble de son œuvre.

ARMAN 1981
Peintre et sculpteur né à Nice, Arman Fernandez, dit Arman (1928-2005) fonde en 1960, avec Yves Klein et le critique d’art Pierre Restany, le groupe des Nouveaux réalistes. Ceux-ci entendent réagir contre l’esthétique abstraite en donnant une place prépondérante à l’objet quotidien.Arman, pour sa part, le transfigure par accumulation, par enchâssement dans des cubes de plexiglas, par destruction, créant ainsi un univers puissamment original. Ses fameuses “Colères” font littéralement exploser les objets qu’il traite, notamment des instruments de musique, dont les différents éléments sont éparpillés sur la toile ou dans l’espace.Le thème du violon éclaté, fréquent dans ses créations récentes, apparaît dans sa composition colorée pour l’étiquette de Mouton Rothschild 1981.

JOHN HUSTON 1982
Célèbre réalisateur de film, mais aussi boxeur, amateur d’art, écrivain, éleveur de chevaux, chasseur et acteur, John Huston (1906-1987) fut, dès sa jeunesse, un peintre de talent. Sa dédicace au baron Philippe de Rothschild : « En mon hommage à mon très cher ami le baron Philippe pour sa soixantième vendange à Mouton », témoigne de son amitié pour un homme, et de son attachement pour un lieu dont la magie avait su le séduire.Son aquarelle pour l’étiquette Mouton Rothschild 1982 est l’une de ses dernières œuvres. Sensualité, grâce aérienne, couleurs profondes et chaleureuses : on y retrouve, traité de façon figurative, le thème symbolique du bélier, saisi dans un mouvement d’euphorie dionysiaque entre ses deux partenaires de toujours, le soleil et la vigne.

SAUL STEINBERG 1983
Peintre et caricaturiste américain d’origine roumaine, Saul Steinberg (1914-1999) s’installe aux Etats-Unis en 1941. Il collabore dès lors à l’hebdomadaire The New-Yorker dont il devient bientôt une des signatures les plus célèbres. Dans un raccourci saisissant, il a su définir le caractère essentiellement composite de son inspiration : « C’est toute l’histoire de l’art qui m’a influencé, la peinture égyptienne, les graffitis de W-C, les primitifs, les fous, Seurat, les dessins d’enfants, la tapisserie, Paul Klee. »
Au cours des années 70, Steinberg choisit de mettre en valeur le thème de la solitude humaine : plages vides où l’homme n’est plus qu’un point dans l’horizon, ciels aux teintes pastel où le soleil est figuré par des cachets en trompe-l’œil.

AACOV AGAM 1984
Né en 1928 en Israël, Yaacov Agam, fils de rabbin, s’intalle à Paris en 1951. En 1958, il est l’initiateur, avec Soto, Pol Bury et Tinguely, de ce qu’on nommera désormais l’art cinétique, dans lequel il voit une fidélité au Talmud : « La vie est une ombre qui passe, ainsi rien ici-bas ne peut être capté en une image immuable. » D’où ces œuvres transformables en bois ou en métal, vivement colorées, dont l’aspect se modifie au fil des manipulations ou des changements de point de vue.
C’est dire que le dessin qu’il a réalisé pour l’étiquette Mouton Rothschild 1984 ne nous donne de son art qu’une idée incomplète- à moins de considérer que le reflet du vin et l’euphorie du buveur peuvent conférer à ce rectangle immobile le mouvement qui lui manque…

PAUL DELVAUX 1985
Né en Belgique, Paul Delvaux (1897-1994) subit d’abord l’influence des expressionnistes flamands avant de devenir une des figures marquantes du surréalisme. En fait, l’univers de ce maître de la peinture moderne, profondément original, relèverait plutôt du « réalisme magique ». Delvaux donne à voir une succession de scènes obsessionnelles, chargées de mystère : femmes nues hiératiques-érotiques, à la pâleur laiteuse et au regard indifférent ; décors oniriques où, sous un éclairage lunaire, une nature exubérante côtoie des paysages urbains rendus avec une précision quasi-photographique.Les petites filles modèles et chastes de son dessin pour l’étiquette de Mouton Rothschild 1985, absentes l’une à l’autre, se rejoignent pourtant par la magie d’une grappe, contemplée, palpée, bientôt goûtée…

BERNARD SÉJOURNÉ 1986
Né en Haïti dans une famille de planteurs, Bernard Séjourné (1947-1994) acquiert dès le début de sa carrière une formation technique et artistique approfondie en Jamaïque et aux Etats-Unis, tout en gardant des liens très forts avec son île natale. Mystérieuse et raffinée, refusant le style naïf de ses compatriotes, la peinture de Séjourné semble capter l’âme d’une très ancienne culture : femmes aux yeux mi-clos et au long cou gracile ; coquillages et fleurs exotiques ; douceur envoûtante des couleurs pastel et des formes ondoyantes…Surgissant de la profondeur de la nuit dans sa “négritude blanche”, son trio de masques pour l’étiquette de Mouton Rothschild 1986 est un des exemples les plus achevés de son talent

HANS ERNI 1987
Le peintre suisse Hans Erni (1909 – 2015), né à Lucerne, pratique d’abord la peinture abstraite à laquelle il renoncera sous l’influence de préoccupations humanitaires qui, après la guerre, détermineront son engagement à gauche. S’exprimant souvent par des allégories qui reprennent des figures de la mythologie classique ou contemporaine, le réalisme symbolique d’Erni associe à des formes charnues et puissantes la précision du trait poussé parfois jusqu’à l’épure géométrique.
Son talent de portraitiste s’exprime avec éclat dans son dessin pour l’étiquette de Mouton Rothschild 1987. Transformant son modèle en symbole, Erni a su capter l’énergie féconde et rayonnante du baron Philippe de Rothschild auquel cette étiquette rend un ultime hommage.

KEITH HARING 1988

Né en Pennsylvanie, le peintre et sculpteur américain Keith Haring (1958-1990) devient, au cours des années 80, l’un des créateurs les plus en vue de “l’East Village” new-yorkais. Il échappe pourtant à l’élitisme des galeries par ses interventions en milieu urbain : graffiti dans le métro, panneau à Time Square où apparaît le “Radiant Child”, l’enfant radieux, qui sera son emblème : silhouette compacte, comme tracée au marqueur, et entourée des rayons qui, dans le langage de la BD, signifient la surprise ou l’émerveillement. Haring s’est défini lui-même, modestement, comme un “fabricant d’images du XXe siècle”. Il est aussi, humour et tragique confondus, un poète de notre temps.

 

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