GUIDE ANTHOLOGIQUE SUR LE VIN
POEMES SUR LE VIN
MEDITATION XXVII
de Anthelme BRILLAT-SAVARIN 1826
Les chants, qui avaient lieu vers le troisième service,
perdirent leur sévérité antique ; ils ne furent plus exclusivement
employés à célébrer les dieux, les héros et les faits historiques :
on chanta l'amitié, le plaisir et l'amour, avec une douceur et une
harmonie auxquelles nos langues sèches et dures ne pourront jamais
atteindre.
Les vins de la Grèce, que nous trouvons encore excellents,
avaient été examinés et classés par les gourmets, à commencer par
les plus doux jusqu'aux plus fumeux ; dans certains repas, on en
parcourait l'échelle tout entière, et, au contraire de ce qui se
passe aujourd'hui, les verres grandissaient en raison de la bonté
du vin qui y était versé.
Les plus jolies femmes venaient encore embellir ces réunions
voluptueuses : des danses, des jeux et des divertissements de toute
espèce prolongeaient les plaisirs de la soirée. On respirait la
volupté par tous les pores ; et plus d'un Aristippe, arrivé sous la
bannière de Platon, fit retraite sous oelle d'Epicure.
Les savants s'empressèrent à l'envi d'écrire sur un art qui
procurait de si douces jouissances. Platon, Athénée et plusieurs
autres nous ont conservé leurs noms. Mais, hélas ! leurs ouvrages
sont perdus ; et s'il faut surtout en regretter quelqu'un, ce doit être
la Gastronomie d'Achestrate, qui fut l'ami d'un des fils de Périclès.