GUIDE ANTHOLOGIQUE SUR LE VIN
POEMES SUR LE VIN
MA GRAND-MÈRE…
Pierre-Jean de BÉRANGER 1780-1857
Ma grand-mère un soir à sa fête
De vin pur ayant bu deux doigts
Nous disait en branlant la tête
Que d'amoureux j'eus autre fois.
Refrain:
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu.
Quoi! maman, vous n'étiez pas sage?
- Non vraiment; et de mes appas
Seule à quinze ans j'appris l'usage,
Car la nuit je ne dormais pas.
Maman, vous aviez le coeur tendre?
- Oui, si tendre qu'à dix-sept ans,
Lindor ne si fit pas attendre,
Et qu'il n'attendit pas longtemps.
Maman, Lindor savait donc plaire?
- Oui, seul il me plus quatre mois;
Mais bientôt j'estimai Valère,
Et fis deux heureux à la fois.
Quoi! maman, deux amants ensemble
- Oui, mais chacun d'eux me trompa
Plus fine alors qu'il ne vous semble,
J'épousai votre grand-papa.
Maman, que lui dit la famille.
- Rien, mais un mari plus sensé
Eût pu connaître à la coquille
Que l'oeuf était déjà cassé.
Maman, lui fûtes-vous fidèle?
- Oh! sur cela je me tais bien.
A moins qu'à lui Dieu ne m'appelle,
Mon confesseur n'en saura rien.
Bien tard mana, vous fûtes veuve?
- Oui, mais grâce à ma gaîté,
Si l'église n'était plus neuve,
Le saint n'en fut pas moins fêté.
Maman, comment faut-il donc faire?
- Eh! mes petits-enfants, pourquoi,
Quand j'ai fait comme ma grand'mère,
Ne feriez-vous pas comme moi?